C’est le titre de l’ouvrage de Flora Bernard que nous avons accueillie ce matin chez Version Originale pour nous parler de philosophie en entreprise. Association détonante de prime abord. Et pourtant…
Qu’est-ce que la philosophie peut apporter à la cité, à la « vraie vie » ? Cette question, les Anciens se la posaient déjà, à la suite de Socrate, le premier praticien philosophe. En quoi la philosophie peut-elle nous aider à mieux vivre en général et, aujourd’hui en particulier, au travail ?
On est bien d’accord que l’objectif de l’entreprise n’est pas d’épanouir ses collaborateurs. En même temps, pour tenir ses objectifs (de profit, de CA, de part de marché…), elle a besoin de talents. Or les pratiques philosophiques vont permettre d’exprimer et de développer ces talents.
Flora définit les pratiques philosophiques comme des ressources mobilisables en toutes circonstances qui m’aident à mieux être et mieux agir.
En quoi Socrate par exemple, le symbole même du philosophe, peut-il aider le manager dans son quotidien en entreprise ?
Socrate, c’est l’art du dialogue : qu’est-ce qui va résister à mon questionnement et mon argumentation ? Il questionne les illusions, les préjugés, les a priori… ces « évidences » qui déforment, voilent ou travestissent la vérité. Oublie les arguments d’autorité.
Pourquoi penses-tu ce que tu penses ?
Sa méthode : questionner, argumenter et définir, c’est-à-dire valider que l’on se comprend bien sur le sens des mots. Elle permet une réelle remise en cause des certitudes, ce qui naturellement peut être déstabilisant.
Le manager qui s’approprie cet art du dialogue va pouvoir :
– Distinguer l’essentiel du secondaire.
– Entrevoir de nouvelles options propices à l’innovation.
– Redonner du sens à son action.
Un autre philosophe majeur à la rescousse du manager : Epictète, le stoïcien.
Epictète pose que ce qui tourmente les hommes n’est pas la réalité mais l’idée que chacun s’en fait. Les événements sont neutres. Mais pas le jugement que l’on porte sur eux. L’homme est malheureux quand il ne sait pas distinguer ce qui dépend de lui de ce qui n’en dépend pas.
Sa méthode consiste donc à distinguer les deux, en 3 étapes :
– Prendre conscience de nos représentations. Quelle prise ai-je effectivement sur la situation ? Quel est mon champ d’actions ? A partir de là, quelles actions puis-je utilement mettre en œuvre ?
– Se fixer des objectifs modestes, pas trop ambitieux mais que j’atteins. Des petits pas tous les jours…
– S’entraîner !
Méthode qui permet au manager de décider avec plus de justesse et plus de force.
Enfin Flora a choisi de convoquer Hannah Arendt, la philosophe de la « banalité du mal » et des dilemmes éthiques.
En effet, pour Hannah Arendt, penser c’est s’interroger sur le pourquoi de ce que l’on fait et le comment on a envie de le faire, c’est-à-dire les valeurs qui supportent mes actes. Ce qui vaut bien entendu pour le manager.
Son analyse du « cas Eichmann » qui ne s’interroge jamais et se contente d’obéir quelle que soit l’horreur de l’ordre donné, fait ressortir 4 points de vigilance :
– Une ambition démesurée et par là aveuglante.
– Une capacité à s’auto-convaincre (sans écouter autrui).
– Un respect de l’ordre sans questionnement.
– Un langage administratif comme une « novlangue » qui camoufle, banalise et biaise la réalité.
Transposable en entreprise, non ?!
C’est le dialogue avec l’autre qui permet de lever la confusion intérieure et les dilemmes éthiques.
A méditer…
Olivier Leroy pour Version Originale