LACHER PRISE ET OPTIMISER LA PERFORMANCE
Lors de notre « Matinale engagée » du 14 septembre, l’équipe Version Originale a eu la joie d’accueillir Clarisse Cremer qui, en 87 jours, 2 heures et 24 minutes, est devenue la détentrice du record féminin du légendaire Vendée Globe.
Une rencontre authentique et stimulante pour évoquer un parcours et une performance hors du commun.
D’abord, nous explique Clarisse « je ne suis pas issue du sérail de la voile ». Parisienne, bonne élève, diplômée de HEC, rien n’annonçait le Vendée Globe ! Un premier déclic a lieu lors de son engagement pour l’association « Rêve d’enfance » qui l’emmène en Corse pour une croisière. Elle y rencontre son futur mari, Tanguy, skipper professionnel. Ils évoquent des courses et des transats, celles qu’il fait, lui. Elle ne le sait pas encore mais le démon de la course s’est immiscé…
Diplôme en poche, elle déborde d’énergie et crée sa start-up. Elle s’y investit à fond. Tellement qu’à 25 ans elle fait un burn-out ! Comme quoi cette maladie ne dit rien de la supposée fragilité de la personne qui en souffre. On peut avoir vécu un burn-out et trouver en soi la force de défier les océans.
Second virage : elle décide en septembre 2015 de s’installer à Lorient et d’y mener des missions de conseil en marketing. « Ce départ en Bretagne m’a donné des ailes ! », nous confie-t-elle. Plus en accord avec elle-même, elle s’autorise à écouter son envie naissante de traverser l’Atlantique en solo. Son goût du défi renaît. Le projet de participer à la mini-transat prend forme. Elle s’y prépare pendant deux ans. Moins de missions de conseil et plus de régates. En octobre 2017, elle largue les amarres à La Rochelle et s’éclate en mer. Elle sait, elle sent qu’elle est dans son élément… et finit deuxième de sa catégorie.
Cette deuxième place marque une nouvelle étape, d’abord parce qu’elle lui donne l’irrépressible envie d’aller plus loin et surtout parce qu’elle attire l’attention du Team Banque Populaire qui depuis 30 ans sponsorise des marins dans les plus belles courses de la planète. Que diriez-vous de participer au prochain Vendée Globe dans deux ans ? Moi ?! Vous êtes sûrs ? Syndrome de l’imposteur en sourdine, entre le doute et la peur son cœur balance. Elle doit se décider pour démarrer une préparation intense à l’été 2019 pour un départ en novembre 2020. Ce qui l’aide à dire oui malgré la peur, c’est de décortiquer les étapes pour être prête le jour J. Certes la montagne à gravir est impressionnante mais elle se sent à même d’en franchir chacune des étapes. Avec Le Cléac’h comme mentor, elle se donne à fond et apprend vite malgré les restrictions dues au Covid. Que du bonheur !
Le jour du départ, elle est prête pour trois mois, seule en mer et sans escale. Prête pour affronter « les trois ingrédients qui rendent fou », selon sa propre formule : la fatigue physique, le stress de la compétition et l’imprévu. Elle est prête techniquement mais pas mentalement, elle s’en rend compte au bout d’une semaine. « Il faut que je sois à la hauteur ». Aller vite à tout prix, foncer comme pour une régate, quitte à oublier de manger et de dormir. Une tempête tropicale inhabituelle en cette saison l’oblige à renégocier son objectif principal : aller vite ou finir ?
Elle était prête au départ mais sans se projeter sur l’arrivée. Or son objectif, elle le sent maintenant, c’est d’arriver et de prendre du plaisir à le faire. Lâcher prise pour atteindre son but et optimiser sa performance. Les mers du Sud vont l’aider à profiter du moment, ici et maintenant, plus légère et se donnant même parfois le temps de la contemplation. « Profiter de mon bateau qui glisse sur l’eau ». Et la récompense du spectacle des albatros comme compagnons de route.
La dernière semaine dans le Pacifique est éreintante, les dépressions s’enchaînent, le Cap Horn comme un soulagement mais le bateau est moins performant, l’anémomètre est cassé, l’épuisement la gagne, le découragement guette. Comment ne pas craquer ?
Trois ressorts pour rester dans la course :
- l’abandon n’est pas une option.
- acceptation de sa fragilité : certes je sous-performe par rapport à l’optimal mais au bout de deux mois, c’est inévitable.
- retour aux bases : j’avance toujours, je suis toujours là, je me concentre sur ce que j’ai à faire. Je reste lucide pour aller me reposer et entretenir cette lucidité.
Le 3 février 2021, c’est le grand soulagement : Clarisse franchit la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne. Objectif atteint. Elle est 12ème (sur 33 concurrents) et améliore le record féminin d’Ellen MacArthur. Rien que ça !
Clarisse est inscrite à la prochaine édition du Vendée Globe en 2024. Elle sera maman d’ici là. Elle est investie dans l’association Lazare qui anime et développe des colocations solidaires entre des sans-abri et des jeunes actifs bénévoles.
Merci Clarisse !
Pour aller plus loin, le coin livres des coachs Version Originale :
- Penser sa vie, Paul DIEL, Payot
- Rêver large, François GABART, Livre de Poche
- Être à sa place, Claire MARIN, La Relève
- Apprivoiser son ombre, Jean MONBOURQUETTE, points seuil
- La confiance en soi, une philosophie, Charles PEPIN, Pocket
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