La « Maison du Management » a proposé une matinée d’échanges le 19 janvier dernier sur le thème de l’échec professionnel : qu’en faire ? L’enfouir ou bien le valoriser ?
Plusieurs intervenants, essentiellement des entrepreneurs, ont partagé leur expérience en la matière : comment ils l’ont encaissé et comment ils ont su rebondir ?
En invités d’honneur, Philippe Rambaud, le président-fondateur de l’association « 60 000 rebonds » qui a lancé les débats avec brio et Aude de Thuin, serial entrepreneuse, qui les a clos avec panache.
Philippe Rambaud nous rappelle que l’échec est une option à probabilité élevée. 60 000 dépôts de bilan par an France (d’où le nom de l’association) sont là pour l’illustrer.
Le célèbre patron de Procter & Gamble, Alan G. Lafley, disait haut et fort, y compris à la Presse, que 80% de ce que P&G initie est un échec ! L’important est d’en tirer les enseignements (les analyses « post-mortem ») pour s’en nourrir et imaginer les 20% de réussite !
Cf Woody Allen : « l’échec est l’impresario du succès ».
Les Anglo-saxons en sont convaincus, on le dit assez. Mais certains environnements « bien de chez nous » également. Dans l’Armée par exemple, l’autorité et la légitimité se renforcent des cicatrices que l’on exhibe.
L’imprévisibilité croissante de l’économie rend les savoir-faire rapidement obsolètes. L’entrepreneur doit donc penser à se protéger, à envisager les scenarii-catastrophe et à développer ses savoir-être qui sont moins volatils et sur lesquels il construira ses succès demain.
Philippe Rambaud nous a proposé une grille de lecture que j’ai trouvée pertinente pour illustrer les ressorts qui font avancer dans la vie :
- en abscisse pour aller de l’avant :
l’enthousiasme, la réussite, le bonheur - mais en ordonnée pour aller plus haut, rien de telle que l’adversité !
Différents témoins ont ensuite partagé avec courage, pudeur et émotion souvent, l’échec de leur entreprise et comment ils l’ont dépassé. Plusieurs thèmes récurrents ont émergé.
D’abord l’échec est une affaire de perception. Dans le monde anglo-saxon elle est fort différente, on l’a dit, on le sait. Ce que renvoie, en France, l’entourage social, amical, familial, insidieusement ou pas, s’apparente bien souvent à une double peine. Les références sociales sont bouleversées, le regard de l’autre culpabilise. L’épisode du dépôt de bilan au Tribunal de Commerce en particulier est souvent d’une grande violence. C’est à la puissance 10 le petit enfant qui ramène un mauvais bulletin scolaire à la maison…
Mais il y a aussi sa propre perception. L’entrepreneur voulait changer le monde, en tout cas y contribuer. L’échec de son entreprise brise l’élan. Il ne se reconnaît plus face à cet échec, comme extérieur à lui-même.
Si en plus, l’échec s’accompagne de précarité, si l’urgence s’invite, alors il va être encore plus compliqué de l’accepter, de ré-écrire l’histoire pour rebondir. La qualité la plus précieuse dans ce cas est la résilience, la capacité à revenir à son état initial.
Et tous ont mis l’accent sur la nécessité de se faire accompagner, de ne pas s’isoler, de faire alliance avec un(e) partenaire de confiance, qui ne juge pas, qui bannit les « il faut », « il aurait fallu », « tu dois », « tu aurais dû »…, qui aura peut-être lui aussi ses cicatrices, qui accueille et soutient et confronte.
Un miroir bienveillant qui va aider l’entrepreneur à se pardonner à lui-même puis à se rebrancher à lui-même. C’est le rôle des bénévoles de « 60 000 rebonds » et évidemment des (nombreux) coaches présents.
Un autre enseignement récurrent renvoie à l’objectif par rapport au geste. L’entrepreneur s’est laissé happer, griser par son objectif et n’a pas suffisamment travaillé son geste professionnel. Comme le rugbyman qui, voulant transformer l’essai, fixe les poteaux au lieu de se concentrer sur le ballon.
Le point commun à tous ces entrepreneurs résilients et tellement humains ?
Une énergie à soulever des montagnes évidemment mais aussi un vrai talent pour rencontrer leurs bons génies…
Olivier Leroy pour Version Originale